Les relations entre coassociés : un facteur de production

Depuis 15 ans, dans les Ardennes, un accord entre les structures accompagnantes (syndicats, banques, chambre d’agriculture, centre de gestion, MSA, coopératives) a rendu obligatoire, pour tout nouvel installé en société qui sollicite les aides à l’installation, une formation aux relations humaines. Cette dernière, dénommée « améliorer et préserver les relations humaines entre associés », est systématiquement préconisée lors de l’entretien 3P et se déroule, durant deux jours, en présence de tous les futurs coassociés.

Audrey Demauljean, l’animatrice, qui présentait le dispositif lors du congrès annuel de Gaec & Sociétés à Sedan (Ardennes) en juin 2024, y aborde la notion d’objectifs partagés, la place de chacun, le rôle du leader, l’organisation du travail, les règles de fonctionnement et donne des clés pour communiquer simplement et efficacement.

Fixer des objectifs annuels

À chaque session, trois ou quatre sociétés y participent, au rythme de cinq par an. 730 agriculteurs ont déjà été sensibilisés. Parmi eux, Catherine et Arnaud Faucheron, éleveurs laitiers au Mont-Dieu, du Gaec La ferme du Moulineau, y ont appris à s’organiser. Ils utilisent les outils tels qu’un planning hebdomadaire détaillé, un cahier de décisions et un point annuel lors de l’assemblée générale pour se fixer des objectifs à l’année.

Tous les deux très engagés (FDSEA, coopératives, conseil municipal), ils emploient deux salariés. Catherine a donc équipé la ferme de divers tutoriels et panneaux sur l’usage des outils, la gestion des déchets, le rangement. Ils sont convaincus que ces nombreux engagements à l’extérieur leur enseignent le respect des horaires, la hiérarchie, la transmission d’information, l’évaluation, « notions auxquelles les chefs d’exploitation sont a priori un peu récalcitrants ».

Une organisation à adapter à chaque arrivée

Denis Fricotteau du Gaec Louisiane, à Annelles, qui a participé à la même formation, plaisante en disant qu’il a fait « une préparation au mariage avec sa belle-fille », Alexandra. Elle raconte qu’elle est sortie plutôt rassurée, constatant qu’ils étaient sur la même longueur d’onde.

Quant à Vincent Forget, 58 ans, qui, ces dernières années, a assisté trois fois à la rencontre, à l’occasion de l’installation de ses neveux et de son fils, ne s’en lasse pas. « À chaque nouvelle arrivée, il y a des objectifs et des organisations à réadapter », déclare-t-il. Il ajoute : « Il y a forcément des décisions qu’on a mal prises, mais depuis, j’ai pris l’habitude de regarder vers l’avant sans regretter le passé. » Son neveu, Remi Forget (33 ans), craignait une mise à nue, voire une déclaration de guerre entre eux. « À l’inverse, j’ai eu l’impression que la pression avait baissé », se souvient-il.

Dans la famille Forget, où le planning partagé, la réunion hebdomadaire et son journal de bord des décisions, le point stratégique annuel, étaient déjà en place, la formation les a inspirés pour prendre soin de leurs relations familiales. Les cousins ont décidé de cultiver l’esprit d’entreprise familiale, autour d’un repas trimestriel avec leurs épouses.

Relations employeur-salarié

Audrey Demauljean résume les formations et l’accompagnement individuel ainsi : « L’humain est la clé de voûte du fonctionnement d’une entreprise. Il est donc indispensable de favoriser un environnement de travail serein et cela passe, entre autres, par des projets motivants et une organisation réfléchie. »

Catherine et Arnaud Faucheron, qui sont convaincus de l’importance des relations entre associés, surveillent le programme des formations de la chambre d’agriculture sur un nouveau sujet, celui des relations employeurs-salariés. Le rapport d’orientation de Gaec & Sociétés estime d’ailleurs que cette question est le prochain enjeu de relations humaines dans des fermes.